La gériatrie est une discipline singulière, scientifique, humaine, personnalisée et évolutive. Il faut donc s’adapter, avec rigueur et souplesse… Les populations que nous prenons en charge ont changé, les « vérités » également. Un regard en arrière est toujours utile et instructif.
Ainsi, lorsque j’ai commencé, il y a bien longtemps, les prescriptions étaient longues et médicamenteuses. Puis est venue la règle des « pas plus de trois médicaments », ce qui conduisait donc à des allègements des ordonnances (dépresciptions avant l’heure). Les progrès de la médecine ont conduit à proposer de prendre en charge des maladies jusqu’alors négligées (ne pas les traiter devenait une « faute ») et donc par suite de rajouter des traitements et des médicaments. Contradiction avec les bonnes pratiques antérieures…
Mais les malades avaient changé, la population âgée était reconnue comme hétérogène, les connaissances en pharmacologie ont évolué, les interactions médicamenteuses sont devenues mieux connues et la iatrogénie est devenue une préoccupation importante. Ainsi le nettoyage cosmétique des électrocardiogrammes (ECG) pour supprimer les extrasystoles pouvait devenir dangereux du fait des effets arythmogènes des antiarythmiques. D’autant que les « vérités » s’appuyaient sur des extrapolations d’études menées sur des populations nettement plus jeunes.
Des avancées importantes ont été faites et il nous faut les assimiler et nous les approprier. C’est tout l’intérêt du rapport récent de l’Académie nationale de médecine qui traite de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire des personnes âgées de 75 ans et plus. Nous remercions l’Académie de nous avoir autorisés à reproduire ce travail(1). Ce document fait beaucoup plus que rappeler les objectifs thérapeutiques « selon les recommandations actuelles » qui concernent la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA), du diabète et des dyslipidémies. Il éclaire sur les éléments qui expliquent les recommandations actuelles et notamment la prise en compte de la fragilité. C’est ainsi qu’il n’y a plus UNE norme mais DES objectifs qui varient non plus en fonction de l’âge mais en fonction de divers éléments dont la fragilité de la personne, et qui aboutissent à une véritable personnalisation de l’ordonnance. Il est bien expliqué que parfois le mieux est l’ennemi du bien et que la « posologie maximale tolérée » peut être une vue à court terme. Il est également très probable que les objectifs proposés par les recommandations actuelles seront ajustés en fonction des résultats futurs d’études comme l’étude Retrait Frail chez les personnes très fragiles ou très âgées(2,3).
Il n’en demeure pas moins que le bon sens est indispensable, que tous les traitements ne sont pas médicamenteux, que l’information doit être donnée et l’accord de la personne recueilli (et peut-être plus tard tracé). Tout évolue, il est de notre devoir de s’informer et La Revue de Gériatrie espère vous aider.
Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
1. Académie nationale de médecine, Benetos A, Bauduceau B. Prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire des personnes âgées de 75 ans et plus. Rev Geriatr 2025 ; 50 : 101-19.
2. Benetos A. How to obtain more evidence for the management of hypertension in frail patients over 80 years old? Eur Geriatr Med 2018 ; 9 : 137-40.
3. Benetos A, Petrovic M, Strandberg T. Hypertension management in older and frail older patients. Circ Res 2019 ; 124 : 1045-60.