Attendre l’issue, seul et enfermé, mais protégé de la COVID-19, voilà ce qu’il advient lorsqu’on vit en EHPAD. Les conditions de vie dans ces établissements constituent un incroyable concentré d’infantilisation. En théorie, le Conseil de Vie Sociale doit être sollicité pour toute une série de décisions en rapport avec la vie de l’établissement. Cet impératif est malheureusement le plus souvent, purement formel. C’est le personnel de l’établissement qui gère leur animation ou rédige leur compte rendu, empêchant toute expression libre et indépendante des résidents.
L’épidémie de COVID-19 a amplifié jusqu’à la caricature cette infantilisation de nos aïeux. On les protège, on les surprotège et on oublie qu’ils sont adultes. Les directions de certains établissements ont rapidement fait preuve d’ingéniosité et de créativité pour permettre que la vie continue. D’autres ont appliqué, jusqu’à l’absurde, les règles édictées par les pouvoirs publics. Certains responsables d’établissements me font penser à ces conducteurs, qui arrêtés par un feu de circulation, en panne et bloqué sur « rouge », attendent indéfiniment qu’il passe au vert ou font demi-tour. Lorsqu’on les interroge sur l’autorisation de sortir de l’établissement lorsque tous les résidents, enfermés maintenant depuis près d’un an, auront été vaccinés contre la COVID-19, ceux-là sont ceux qui disent qu’ils attendent les instructions. Ce sont les mêmes qui, lorsqu’on les questionne sur cette problématique du masque, qui altère grandement la communication, refusent que même au travers d’un vitrage, on puisse enlever son masque, puisque les autorités n’ont pas écrit spécifiquement que cette pratique était autorisée. Comme si le virus traversait le verre. Cette vision n’est évidemment pas guidée par des raisons sanitaires, mais seulement par une vision normalisatrice, respectueuse des règles, au-delà de toute logique.
Des masques dits « inclusifs » ont été créés et distribués, pour permettre une vision du visage de l’interlocuteur. C’est présenté, comme particulièrement utile pour les patients sourds, car cela permet partiellement la lecture labiale. Même si le port de ce type de masque facilite en partie la lecture labiale, il ne permet pas une vision optimale du visage. Or, la lecture labiale, ce n’est pas uniquement la vision
du mouvement des lèvres, comme on pourrait le penser. Cela nécessite la prise en compte de l’ensemble des mouvements et expressions du visage. Encore faudrait-il que la vision des lèvres soit parfaite avec ces masques, ce qui est loin d’être le cas. Entre reflets lumineux sur le filtre plastique et buée, on est bien éloigné de la vision idyllique présentée sur les photos qui circulent. Les difficultés liées au port du masque ne concernent pas que les sourds, mais toute une série de personnes qui associent la lecture labiale aux expressions du visage. Qu’il s’agisse de personnes présentant des troubles cognitifs, des personnes avec un handicap associé ou souffrant simplement de presbyacousie, tous ceux-là sont terriblement gênés par ces masques.
Chaque établissement sanitaire ou médico-social devrait disposer d’un lieu qui permette des entretiens au travers d’un vitrage, sans port du masque. Très rares sont malheureusement ceux qui ont pris cette initiative, pourtant toute simple. Aucune lumière au bout du tunnel, les corps resteront protégés de la COVID-19 jusqu’au bout. Dans ces établissements-là, les résidents, qui avant cette épidémie sortaient de leurs lieux de vie, se promenaient ou marchaient jusqu’à l’un ou l’autre commerce, ne sortiront plus jamais sur leurs deux jambes. Cette épidémie va encore durer de longs mois, il est urgent d’innover et de redonner à nos aïeux la place qu’ils méritent.
Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.